La « bienveillance » ou l’art du « bien veiller », l’art du « bien voir » et du « bien donner à voir ».

Le courage comme alternative à la bienveillance ?

 Dans son article « Petite critique de la bienveillance » Laurent Quivogne  s’interroge en remarquant qu’ « il est d’usage dans de nombreuses réunions, de poser la bienveillance comme principe. Noble principe et noble cause mais … au nom de quoi et pourquoi ? »

Avec pertinence, il pose la question de ce qu’est la bienveillance, ce  « mot valise dans lequel chacun met ce qui lui plaît ou ce qui l’arrange » ? et se questionne  » S’agit-il de « bien veiller » sur autrui, quand je lui parle ou lui fais une remarque ?  et … cela quelle que soit ma propre situation, y compris si je suis, avec lui, en désaccord, voire en opposition d’intérêt ?… Ou bien est-ce … éviter toute sorte de désagrément lié aux disputes, aux cris, aux remarques désagréables ? » 

 Laurent Quivogne propose « le courage » comme alternative « pour aller plus loin dans la vérité des propos, dans l’approfondissement des relations,… Le courage de dire, le courage d’entendre. Mais aussi le courage, après avoir dit, de s’entendre dire en réponse les effets de mes paroles sur autrui. Le courage de mettre la relation au risque de la confrontation. ». Mais il s’empresse d’ajouter la nécessité de poser  « quelques règles pour éviter que le débat ne dégénère, que l’un ou l’autre claque la porte, que le brouhaha s’installe. »

Or à bien y regarder, poser ces quelques règles revient à faire preuve de « bienveillance » et à en poser les règles. Aussi, cette alternative, telle que proposée est-elle bien une alternative ? Substituer le courage à la bienveillance ne nous mène-t-il pas, à nouveau, dans une impasse ?

Le « Bien veiller » de la  Bien veillance.

Pour ma part et interpellé et stimulé par ce questionnement, je propose un autre éclairage.  Les mots ont un sens, et il est toujours utile de s’y référer. L’étymologie latine du mot « benevolens » (vouloir du bien) pose clairement le sens du mot et sa « direction » vers le « bien de l’autre ». La bienveillance n’a qu’une finalité et qu’une motivation : le bien de l’autre. (Etre bienveillant : se montrer indulgent, et attentionné envers autrui d’une manière désintéressée et compréhensive ».

Que se montrer bienveillant ne puisse se faire que « de manière désintéressée et compréhensive » nous ouvre une perspective intéressante. La bienveillance exige « désintérêt personnel » et « compréhension ». Là encore les mots ont leur importance. Tous les deux nous ouvrent une perspective vers une approche opératoire de ce qu’est la bienveillance et du comment la mettre en œuvre.

La bienveillance nécessite 1) de faire abstraction de ses intérêts personnels et 2) de comprendre. Et là nous retrouvons l’étymologie du «  Bien veiller ». La bienveillance trouve alors dans le « bien veiller » son mode opératoire.  Etre bienveillant est offrir à l’autre une compréhension de son environnement et de sa propre insertion dans cet environnement pour l’aider à mieux comprendre lui-même cet environnement et son propre comportement ainsi que les opportunités qui s’offrent à lui.

En observant par une approche la plus objective possible de sa situation et en la lui donnant à voir, en la lui faisant comprendre, nous lui offrons le fruit de notre « bien veillance ». Parvenir à décrypter la réalité de sa situation, et en la lui donnant à voir sans jugement ni accusation est alors le moyen très opérationnel de cette bienveillance. C’est là, me parait-il, le moyen d’échapper aux travers possibles et fréquents de la fausse bienveillance que dénonce Laurent Quivogne dans son article.

La bienveillance, ou l’art du bien veiller.

La bienveillance réside alors dans cet effort de comprendre et est à la mesure de notre capacité et de notre volonté de produire et de partager avec l’autre, en toute humilité, cette compréhension.

Elle est cet effort de rester éveillé en se préservant des jugements tous faits et aprioriques et des solutions tout autant aprioriques qui en découlent aussitôt.

Elle réside dans cet effort de ne pas mettre en accusation l’autre pour son comportement que notre analyse dénoncerait et de ne pas l’enjoindre de solutions qui ne trouvent de logique que dans notre propre subjectivité.

Elle réside dans un effort pour s’assurer de nos réelles motivations à faire ces analyses et à en rendre compte à l’autre. Ces motivations sont-elles bien guidées en permanence par la volonté du bien de l’autre ? Sont-elles bien guidées par la conscience que notre contribution au bien de l’autre ? Notre motivation est-elle bien de nous limiter à lui offrir une vision claire de sa situation s’il ne la pas  et de le laisser libre de décider des actions qu’il lui importera alors de mener ? Ou n’est-ce pas notre intérêt personnel qui nous guide alors ?

Voilà autant de questions auxquelles une réflexion simple, et honnête, directement accessible nous permet de répondre rapidement. Des réponses qui sont autant de garde-fous nous guidant sur le chemin de la bienveillance.

Nous sommes alors en mesure d’offrir à l’autre ce cadeau du Feedback » pour « le nourrir en retour » au sens premier et fort du terme.

Le feedback est souvent dévoyé du sens même du mot «  nourrir en retour ». Tel est le cas lorsque manque, en amont, cette bienveillance. Elle seule doit être à l’origine d’un véritable feedback.

C’est là un art et une volonté exigeante et difficile d’offrir une compréhension enrichie du monde en cadeau à l’autre comme un véritable viatique pour son action et sa pensée de l’autre (cf. l’article «  Pour un feedback nourricier, viatique du développement »

La bienveillance, ou la volonté et l’art d’aider à la clairvoyance de l’autre.

Dès lors, la finalité de la bienveillance apparaît-elle clairement. Vouloir le bien de l’autre, c’est viser et contribuer à son autonomie. C’est aider l’autre à voir clairement et à analyser clairement sa situation. C’est l’aider à prendre, en conséquence et en personne pleinement responsable, ses propres décisions et à poser ses propres actions.

Des décisions et actions dont il sera ainsi pleinement responsable ; des actions dont il répondra dans la mesure où elles expriment sa propre voix ; une parole qui lui est réellement propre ; des paroles et des actions dont il assumera pleinement et en toute conscience les conséquences.

Je ne peux que conclure par mes vifs remerciements à Laurent Quivogne. Par son article, il m’a donné l’occasion de pousser ainsi ma réflexion sur ce thème majeur de la Bienveillance. En m’y aidant et par l’ouverture portée par son article et sa réflexion, il a fait acte de bienveillance. Un grand merci.

 

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